2020, l’année où ça passe ou ça casse pour les vieux partis

AFP Christian Jacob, président de LR et Olivier Faure, premier secrétaire du PS

“Ils ont donné le sentiment d’être incapables de se renouveler et de gérer la situation post-Emmanuel Macron comme s’il les avait tués, foudroyés, annihilés”. Ainsi le politologue Bruno Cautrès décrit-il la situation des deux partis “qui ont dominé la vie politique française pendant quatre décennies”, le Parti Socialiste et Les Républicains.

Éliminées dès le premier tour de l’élection présidentielle de 2017, payant les erreurs passées et la lassitude des Français, les deux formations politiques ont bien du mal à remonter la pente. Et si l’année 2020 était celle de la dernière chance? 

L’année qui s’ouvre est d’abord marquée par un scrutin majeur pour toutes les formations politiques, mais notamment pour ces deux-là, deux ans avant l’élection présidentielle: les municipales des 15 et 22 mars. “Leur socle, ce sont leurs élus locaux. Ces élections peuvent être une façon de montrer aux yeux des Français qu’on les a enterrés trop vite et qu’elles comptent encore”, prévient, auprès du HuffPost, Bruno Cautrès.

“Le juge de paix, c’est les municipales”

Chacune en a conscience. C’est d’ailleurs le premier sujet qui vient sur la table quand on interroge deux patrons de groupes parlementaires de ces partis, Patrick Kanner, président du groupe PS au Sénat et Damien Abad son homologue LR à l’Assemblée nationale. “Le juge de paix, ce sera les élections municipales, commente le sénateur, Sans mettre une pression énorme sur nos candidats, notre sort est entre leurs mains.” “C’est un enjeu électoral important, un rendez-vous de conquête des électeurs et des Français, abonde l’homme de droite. L’idée, c’est que ça se passe bien”.  

Fortes d’un réseau d’élus locaux importants et détenant la plupart des villes -LREM n’existait pas en 2014-, les deux formations misent tout sur ce scrutin pour relever la tête. “Nous avons des possibilités” assure Patrick Kanner qui se fixe pour objectif d’au moins conserver les “12 villes de plus de 100.000 habitants, dont Nantes, Paris, Rennes, Lille ou Brest”, et le “tiers des villes de plus de 10.000 habitants”. Même chose pour LR qui avait largement remporté les élections de 2014: “Il nous faut confirmer la génération politique mise en place en 2014, notamment dans les villes de plus de 10.000 habitants et conserver les grandes villes comme Bordeaux, Marseille ou Toulouse”, résume Damien Abad.

Avantage LR

Avec, dans cette élection, une avance nette pour la formation de droite, selon le politologue Bruno Cautrès: “Les études électorales nous montrent qu’il y a une prime aux sortants qui joue à plein pour un deuxième mandat et qui va favoriser LR dans ce scrutin”, prédit celui qui voit une “asymétrie” entre les deux formations car le PS au pouvoir avait déjà perdu du terrain à l’époque. 

Ces élections sont importantes à un autre titre: ce sont elles qui donneront le “la” des élections sénatoriales, prévues en septembre. LR entend bien conserver sa majorité au Sénat et le PS avoir assez de grands électeurs aux municipales pour “rester le deuxième groupe du Sénat”, (72 sénateurs aujourd’hui, NDLR), selon Patrick Kanner.

La barre est donc atteignable pour les deux partis lors de ce scrutin local où comptent surtout les enjeux de proximité, “du lampadaire à la piscine”, comme les résume Bruno Cautrès. Mais ensuite? Comment incarner des idées au niveau national? C’est le deuxième défi de leur année 2020, et les deux formations reconnaissent que c’est surtout là que le bât blesse.

“Nous avons un enjeu de crédibilité”

“On doit plus imprimer dans l’esprit des gens montrer que nous sommes porteurs d’un projet politique qui n’est pas encore écrit, mais qui est crédible”, assume le patron des sénateurs socialistes qui laisse à sa formation la fin de l’année scolaire pour y arriver. ”Il faudra aller très vite après les municipales. Je nous donne très peu de temps, 20 propositions pour 2020, l’année du projet politique”, résume-t-il, en forme de slogan.

“Nous avons un enjeu de crédibilité”, concède également Damien Abad qui se fixe à peu près le même calendrier que les socialistes. “De février à juillet, viendra le temps du projet”, précise-t-il. Le congrès de LR prévu au mois de juillet sera, selon le député de l’Ain, “un congrès des idées, avec de grandes thématiques, de grands sujets, un projet d’alternance pour fixer les grandes orientations d’un programme présidentiel”, promet-il.

Car les deux formations ont bien du mal à se positionner pour le moment, asphyxiées par LREM qui déborde de chaque côté de l’échiquier politique traditionnel. “Le dossier des retraites est exemplaire: on ne voit pas l’espace médiatique incarné par le PS ou LR, ils ont une position difficile à lire”, constate Bruno Cautrès. “La droite est acquise à la fin des régimes spéciaux et le PS n’a pas fait de contre-propositions”, pointe le politologue.

Le risque de “l’année blanche” en 2022

Si toutefois les deux vieux partis de la Ve République arrivaient à dégager de grandes lignes programmatiques crédibles, il faudra toujours quelqu’un pour les incarner, en vue de l’élection suprême. Là encore, LR a un temps d’avance, selon Bruno Cautrès. “Le PS était au pouvoir il n’y a pas longtemps, il a carbonisé ses ressources humaines. Beaucoup de la génération des 35-55 ans sont restés sur le tapis. Surtout qu’à gauche, Jean-Luc Mélenchon occupe encore l’espace”, rappelle le spécialiste de la vie politique, confirmé par les enquêtes d’opinion. À droite, l’hypothèse François Baroin “a pris dans les sondages” quand elle a surgi, rappelle Bruno Cautrès et “les personnalités comme François Baroin ou Xavier Bertrand, même si elles ont été ministres, c’était il y a longtemps, et donc leur situation n’est pas la même”.

Damien Abad repousse cette question au début de l’année 2021, comme celle des alliances qui se construiront “après le projet”. Le PS veut aller vite, mais dans le même ordre. “D’abord le projet, ensuite la stratégie, après l’incarnation. On a très peu de temps pour avoir les trois, sinon 2022 sera une année blanche”, craint le sénateur Kanner.

“On n’est pas là pour fermer les lumières!”

Tous deux veulent se concentrer sur cette année charnière et, traditionnellement pour un début d’année, forment des vœux. “L’année 2020 est celle de la reconstruction, on a la capacité de pouvoir rebondir”, s’enthousiasmerait presque Damien Abad qui voit dans l’exemple britannique des raisons d’espérer. “Le parti conservateur était à 8% aux européennes, là ils sont majoritaires! On peut passer d’une déroute à une victoire en quelques mois”, se convainc-t-il. 

“Si les résultats électoraux ne sont pas bons, la tendance groupusculaire ne doit pas se transformer en tendance crépusculaire. On n’est pas là pour fermer les lumières!”, répond, moins optimiste, le patron des sénateurs socialistes.

“Je ne suis pas optimiste, je suis combatif”, rectifie l’élu du Nord. “Ni optimiste ni pessimiste”, ajoute Damien Abad, citant le philosophe Alain: “Le pessimisme est d’humeur; l’optimisme est de volonté.”

Par Astrid de Villaines

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