Après l’échec des municipales, l’avenir incertain de La République en marche

Perte de la majorité absolue à l’Assemblée, contestations internes et Bérézina aux municipales: La République en marche joue sa survie, alors que plusieurs voix réclament sa dissolution dans une nouvelle architecture de la majorité présidentielle.

Aucune conquête et plusieurs défaites de maires sortants Macron-compatibles: la soirée du deuxième tour des municipales a été pour le mouvement présidentiel « un peu plus mauvaise qu’attendue », euphémise un ministre.

Autrefois machine de guerre qui avait permis un raz-de-marée aux législatives de juin 2017, puis locomotive jugée efficace lors des Européennes de 2019, la marque LREM a perdu en puissance, alors qu’elle était déjà affaiblie par la perte de la majorité absolue à l’Assemblée nationale et les critiques ouvertes contre les stratégies d’alliances aux municipales.

« Peut-être même que certains candidats aux municipales ont perdu précisément parce qu’ils avaient le soutien de LREM », souffle un membre du gouvernement, qui appelle à « réfléchir à notre offre politique » et met en garde contre une « normalisation » du parti et « de ne plus être en mouvement ».

Un remaniement, qui doit intervenir dans les prochains jours, pourrait en outre créer une nouvelle crise de leadership, notamment si l’actuel patron des marcheurs, Stanislas Guerini, devait intégrer le gouvernement, fonction a priori incompatible avec celle de chef du parti majoritaire.

Stanislas Guerini, patron des marcheurs lors d’un débat à l’Assemblée nationale, le 21 mars 2020
POOL/AFP / Ludovic MARIN

« Et si c’est le cas, il ne faut pas que ça apparaisse comme une manœuvre pour régler le problème du parti, ce qu’avait fait Hollande en nommant le Premier secrétaire du PS, Harlem Désir, au gouvernement en 2014 », prévient un autre ministre.

– Un grand Parti démocrate ? –

En creux, c’est le positionnement de LREM qui est interrogé, entre « ceux qui pensent qu’il faut poursuivre la transformation, y compris contre certains corps intermédiaires », et ceux qui prônent un plus grand enracinement dans les territoires par des alliances avec les élus sortants: « Il est certain qu’il y a une tectonique des plaques sur cette question », résume un ministre, qui fustige « un risque de banalisation, donc de disparition du parti ».

Certains plaident au contraire pour un grand aggiornamento: l’eurodéputé et ancien conseiller d’Emmanuel Macron Stéphane Séjourné milite ainsi pour une dissolution pure et simple de La République en marche, quand d’autres théorisent « un grand Parti démocrate à l’américaine », dans une forme qui reste à définir.

Car les tentatives de fédération de la majorité présidentielle ont jusqu’alors fait long feu: annoncé en septembre lors des universités de LREM, un « bureau de liaison » que devaient intégrer les partis qui avaient participé à la liste Renaissance – le MoDem, Agir, le Mouvement radical – n’a jamais vraiment eu lieu, François Bayrou s’y montrant plutôt réticent. Depuis, seul un modeste « bureau exécutif » commun de LREM et du MoDem s’est tenu une fois.

« La question n’est pas de savoir si on fait comme l’UMP ou la gauche plurielle en leur temps », balaie un ministre, « la question, n’est pas celle de LREM, du MoDem ou d’Agir, mais c’est celle du président de la République en 2022 », poursuit-il, en prônant un statu quo statutaire « pour ne pas perdre de temps sur ces questions secondaires », alors qu’un congrès de LREM doit avoir lieu à la fin de l’année.

Un ministre venu de la gauche va dans le même sens: « Macron ne sera pas le candidat de La République en marche en 2022, ce sera plus large que ça, c’est le sens de son engagement politique de dépasser les partis », escompte-t-il.

Après le lancement de Territoire de progrès, une plateforme pilotée par les ministres Jean-Yves Le Drian et Olivier Dussopt, des ex-PS qui entendent ré-arrimer le centre gauche à la majorité – une initiative globalement vue d’un bon œil chez les marcheurs – , l’annonce dimanche par le député ex-LREM Aurélien Taché de la constitution d’un nouveau mouvement, « Nous, demain », a en revanche été perçue comme une dislocation du socle qui avait porté Emmanuel Macron au pouvoir en 2017.

Et d’aucuns craignent en outre qu’Édouard Philippe, auréolé d’une victoire aux municipales au Havre, cherche à fédérer ses troupes. A fortiori s’il devait quitter Matignon lors d’un remaniement.

Stanislas Guerini, patron des marcheurs lors d’un débat à l’Assemblée nationale, le 21 mars 2020 – POOL/AFP / Ludovic MARIN