Départ possible de Didier Raoult de la tête de l’IHU: «une décision éminemment politique»?

Souhaitant «tourner la page», deux membres originels de l’IHU Méditerranée Infection, que Didier Raoult a fondé en 2011 et pilote depuis, veulent lui trouver un successeur. Alors qu’ils évoquent l’âge limite de la retraite du professeur, dans leur viseur semblent se trouver ses prises de position controversées sur la politique sanitaire du pays.

Alors qu’il a atteint l’âge limite de la retraite, le scientifique au cœur de multiples polémiques depuis l’éclatement de l’épidémie de coronavirus Didier Raoult quittera en septembre son poste de professeur au sein d’Aix-Marseille Université et des Hôpitaux universitaires de Marseille, relate le 18 août Le Monde.

Or, dirigeant l’IHU Méditerranée Infection depuis qu’il l’a fondé en 2011, le Pr. Raoult semble être également poussé à quitter son poste dans cet organisme, même s’il ne se soumet pas aux mêmes critères d’âge que son statut de professeur.

«Il y a un besoin de tourner une page et d’organiser l’avenir de l’IHU pour les 20 ans à venir. Il faut aller vite, lancer le processus à l’automne pour aboutir entre la fin de l’année et le début 2022. Nous sommes en pleine pandémie mondiale, et nous avons besoin de cet institut, qui est un formidable outil, et de ses chercheurs», a expliqué auprès du journal François Crémieux, ancien directeur adjoint de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), qui a été nommé à la tête de l’AP-HM en juin.

l est précisé que Didier Raoult a envoyé auprès de la direction de l’AP-HM une demande de cumul emploi-retraite, mais l’Assistance publique n’envisage pas de le lui accorder:

«La commission médicale de l’AP-HM ne voit pas d’objet à prolonger Didier Raoult, ne serait-ce que pour deux journées et demie par semaine, comme il le demande. Il y a largement les équipes nécessaires, à l’IHU, pour que son départ soit comblé», a expliqué le professeur Jean-Luc Jouve, président de la commission médicale d’établissement (CME).

En outre, François Crémieux poursuit que l’infectiologue marseillais «pourrait rester en poste», «mais il n’est pas raisonnable que l’IHU soit dirigé par quelqu’un qui n’est plus ni praticien hospitalier ni universitaire».

Un projet qui a provoqué une mobilisation en ligne des défenseurs de Didier Raoult, qui, via le hashtag #TouchePasARaoult, dénoncent «une décision éminemment politique», selon, par exemple, l’ancien eurodéputé et ancien bras droit de Marine Le Pen Florian Philippot.

Pour Gilbert Collard, du Rassemblement national, «cette volonté bureaucratique de l’éliminer est une honte et un scandale».

Un appel d’offres en préparation

Ainsi, dès le mois de septembre, François Crémieux et le président d’Aix-Marseille Université (AMU), Éric Berton, comptent proposer au conseil d’administration de la fondation qui pilote l’Institut, ainsi qu’à sa présidente, Yolande Obadia, proche de Didier Raoult, un appel d’offres pour trouver ce successeur.

Ils veulent recruter «un chercheur ou une chercheuse, légitime, charismatique et reconnu(e) par ses pairs dans le domaine des maladies infectieuses».

Sollicité à ce sujet par Le Monde, le professeur marseillais n’a pas souhaité s’exprimer, mais la direction de l’IHU envisage de communiquer là-dessus à la rentrée, toujours selon la même source.

Alors que dans les couloirs de l’IHU il se dit que la succession en question «est programmée depuis trois ans, et qu’elle a été retardée par l’épidémie de Covid-19», le scientifique de 69 ans ne l’envisage qu’«à l’horizon d’un an ou deux».

Des figures controversées

Outre l’âge limite de Didier Raoult, ce sont également ses prises de position quant au coronavirus, dont, par exemple, son attachement à l’utilisation de l’hydroxychloroquine, qui dérangent l’AP-HM et la commission médicale d’établissement.

Suite à la publication d’une vidéo le 28 juillet, où Didier Raoult a avancé que le variant Delta avait «l’air de ne pas tuer beaucoup par rapport aux variants précédents» même s’il était «en train de prendre le dessus», le président de la commission médicale Jean-Luc Jouve a dénoncé, le 18 août, dans une lettre à ses collègues, «des propos stupéfiants de décalage avec les réalités que nous vivons».

La stratégie de l’AP-HM à l’égard de l’IHU a changé de manière remarquable avec l’arrivée de son nouveau directeur. Par exemple, alors que Didier Raoult avait annoncé sur Twitter son refus d’appliquer le pass sanitaire sur les patients qu’il prend en charge, François Crémieux avait jugé nécessaire de rappeler que l’organisme était soumis aux règles de l’AP-HM, soit le pass sanitaire et les soins pour tous.

«Je redoute que le directeur général ne veuille pas que l’on traite les gens comme on les a traités jusqu’à maintenant ici», a répliqué Didier Raoult dans sa récente vidéo datant du 17 août.

De surcroît, l’AP-HM a accepté la mise en disponibilité d’une autre figure de la contestation de la politique sanitaire des autorités françaises, Louis Fouchet. Selon l’AP-HM, cette décision fait suite aux propos «antivax» du médecin qui «encourage la population à entrer en résistance contre l’intimidation et le chantage qui mènerait à un totalitarisme techno-sanitaire».

Par Maria Balareva © AP Photo / Daniel Cole