Je suis Rachid Haddach.

Vif émoi dans la communauté musulmane de Belgique et d’ailleurs !

En novembre 2012, Rachid Haddach publie sur le réseau social Facebook : « Chers frères et sœurs, après plus de vingt-deux ans de conférences je suis dans l’obligation d’arrêter toutes mes activités de prédication pour régler un gros souci de santé qui me suit depuis très longtemps mais que je n’arrive plus à gérer ». Après une longue maladie, Rachid Haddach décède à l’âge de 49 ans le dimanche 2 février 2020.

Le lundi 3 février 2020 en début d’après-midi au cimetière multiconfessionnel de Schaerbeek en Belgique, des milliers de personnes ont pris congé pour se rassembler et accompagner dans sa dernière demeure terrestre, Rachid Haddach, un citoyen belgo-marocain qui n’était pourtant ni un chef d’état, ni une rock star. 

Entre la mosquée Al Khalil à Molenbeek, une autre commune de la Région de Bruxelles-Capitale, où les fidèles sont venus en masse pour prier et le cimetière, un long cortège a rendu hommage de la plus touchante manière qui soit à cet homme charismatique. Cette mobilisation importante, pour un professeur de religion islamique, démontre amplement jusqu’au dernier instant la grande estime que lui porte la communauté musulmane de Belgique. 

Originaire de Molenbeek, ex-membre du comité interreligieux dirigé par la princesse Mathilde, aujourd’hui reine des Belges, ex- aumônier de prison, Rachid Haddach était un éducateur et un prédicateur bénévole auprès de plusieurs écoles et mosquées bruxelloises où il œuvrait avec les jeunes. Il travaillait aussi en tant qu’enseignant dans les écoles de la Fédération Wallonie-Bruxelles où il a beaucoup aidé à encadrer les jeunes contre la radicalisation, c’était en somme une autorité morale. 

Il était connu pour son engagement à inviter la jeunesse « à la vie bienheureuse » et à adopter les meilleurs comportements dans le privé comme dans la vie publique. 

Sa notoriété dépassait largement les frontières grâce à ses nombreuses conférences et vidéos. En 2016, il arrivait à la quatrième place du podium parmi les imams francophones les plus consultés sur YouTube. Son parcours, disons-le, est une prouesse et son excellent travail auprès des jeunes fait encore l’unanimité aussi bien dans la communauté qu’en dehors de celle-ci. 

Pourtant par les temps qui courent et au vu des évènements qui ont secoués le monde depuis, on comprend aisément qu’être un musulman médiatisé, un musulman qui porte sa voix, ou un prédicateur musulman n’est pas chose facile de nos jours. C’est un exercice complexe que celui de se porter en avant de la scène car c’est aussi courir le risque d’être étiqueté à tout moment, par des politiciens et/ou des médias, d’intégriste ou d’islamiste et de surcroit d’être disqualifié sans aucune forme de procès que celle des slogans politiques et des annonces médiatiques balancés. Ceux qui en ont fait leur fond de commerce, scrutent la moindre erreur de langage, la moindre phrase à interpréter comme étant radicale, la moindre maladresse des mots…pour clouer comme Jésus de Nazareth, celui qui aura eu le malheur de ne pas avoir eu la sagesse de ne pas exister. A côté des accusations fondées sur une minorité d’extrémistes qui se définit de l’Islam et qui prônent la haine à la fois des musulmans et des non-musulmans, ces deux dernières décennies, on a vu aussi dans nos sociétés toute la propagande, tout l’endoctrinement et tout un ensemble de techniques de persuasion pour propager avec tous les moyens disponibles l’idée que chaque musulman est un danger potentiel et que chaque musulman est forcément si pas un terroriste du moins un extrémiste. 

« Les intégristes estiment que mes propos sont trop lights, certains me considèrent même comme un mécréant parce que j’ai serré la main à plusieurs reprises à des rabbins ou encore à des curés » pouvait-on entendre de la bouche de Rachid Haddach de son vivant. Parmi tant d’étudiants, Il y a eu la psychologue belgo-belge Virginie Leblicq qui a suivi les cours de Rachid Haddach pendant deux ans et qui finira par se convertir pour devenir une référence en terme de déradicalisation. Mais malgré tout, la vision conservatrice de l’islam de Rachid Haddach lui a valu des accusations de « radicalisme » d’un côté. En 2012, des journaux belges, De Morgen et Le Soir, l’avaient présenté comme « une figure de la mouvance salafiste en Belgique ». Des accusations auxquelles il avait répondu dans un très long droit de réponse. Il a pourtant été dénoncé comme n’étant pas salafiste, notamment par le principal prédicateur salafiste francophone Sulaiman Al-Hayiti. 

D’un autre côté, pour l’Islam qu’il prêche, Rachid Haddach avait été menacé de mort par Sharia4Belgium, une organisation jihadiste takfiriste belge. Il faut rappeler qu’à la demande du Parquet général qui considérait que le dirigeant de Sharia4Belgium représentait « …une menace permanente pour la sécurité publique et a sérieusement manqué à ses obligations de citoyen belge… », la Cour d’appel d’Anvers avait déchu ce dirigeant de la nationalité belge en 2018.

Je terminerai ce court article par quelques mots comme j’aurais aimé les lire en en-tête des grands journaux qui ont rendu un hommage à une personnalité décédée en ce mois de février…quelques mots pour célébrer le fabuleux travail de Rachid Haddach : « Formidable carrière que celle de Rachid Haddach qui a aligné une oeuvre impressionnante et inépuisable ! »

Quoi qu’il en soit Rachid Haddach n’est plus, que Dieu lui fasse miséricorde et qu’il repose en paix. Le temps fera son office pour ne laisser que les bons souvenirs de ce personnage hors du commun malgré lui. Il restera quelques détracteurs comme toujours bien entendu mais les hommages se multiplieront le temps du deuil, le temps de se souvenir de Rachid Haddach encore un peu pour contempler son travail éducatif auprès des jeunes, son engagement contre la radicalisation. Il nous reste ses vidéos sur Youtube et l’image d’un homme au service des autres…il y a cette vidéo de la prière d’adieu avec son ami de toujours Mustafa Kastit à la mosquée Al Khalil, la plus grande du pays, située à Molenbeek-Saint-Jean. Il y a aussi cette autre vidéo, la mosquée étant trop petite, des milliers de personnes qui ont prié dehors, dans l’espace public un lundi matin, pour un adieu à en faire pâlir d’envie un chef d’état. Il reste enfin tous ces jeunes dans la difficulté qui l’ont  bien connu et qui reconnaîtront avoir un jour reçu de sa part le conseil qui a transformé leur vie positivement, le soutien qui les ont conduit à devenir meilleur citoyen pour le bien vivre ensemble. Merci Rachid et merci pour cette jeunesse qui pourra dire à jamais : « Je suis Rachid Haddach ».