L’UE dénonce « l’ingérence » de la Turquie dans le conflit en Libye

PHOTO JOHN THYS, AGENCE FRANCE-PRESSE
Le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell

Le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a condamné mardi « l’ingérence » de la Turquie dans le conflit en Libye, à l’issue d’une réunion à Bruxelles avec les ministres des Affaires étrangères de la France, de l’Allemagne, de l’Italie et du Royaume-Uni.

Interrogé par des journalistes sur un communiqué commun condamnant l’« ingérence étrangère » sans plus de précision, il a indiqué que « cela fait référence à la décision turque d’intervenir avec des troupes en Libye ».

C’est « quelque chose que nous rejetons et qui accroît nos inquiétudes sur la situation » dans ce pays, a-t-il dit.

M. Borrell et quatre de ses homologues de pays membres de l’UE se sont retrouvés en urgence pour évoquer la situation en Libye où le maréchal Khalifa Haftar poursuit son offensive ciblant Tripoli.

Les forces de l’homme fort de l’est du pays, soutenu notamment par l’Arabie saoudite, l’Égypte et les Émirats arabes unis, ont annoncé lundi s’être emparées de toute la ville de Syrte, jusque-là contrôlée par le gouvernement de Tripoli.

La Russie est de son côté soupçonnée d’avoir envoyé des mercenaires pour prêter main-forte aux pro-Haftar, ce que Moscou dément.

Les Européens craignent que l’intervention militaire d’Ankara en soutien au gouvernement d’union nationale (GNA) reconnu par l’ONU ne vienne envenimer la situation.

« L’UE est fermement convaincue qu’il n’y a pas de solution militaire à la crise libyenne », indique le communiqué conjoint, qui appelle à une « cessation immédiate des hostilités ».

« La Libye est devenue un lieu où d’autres puissances se livrent une guerre par forces interposées, et nous ne voulons plus l’accepter », a déclaré le ministre allemand Heiko Maas, qui s’est entretenu avec ses homologues britannique Dominic Raab, français Jean-Yves Le Drian et italien Luigi Di Maio.  

Cette prise de position européenne intervient à la veille d’une rencontre prévue en Turquie entre le président Recep Tayyip Erdogan et son homologue russe Vladimir Poutine.

« La Libye ne représente pas seulement un risque pour les phénomènes migratoires, elle est un risque […] également pour le danger du terrorisme », a souligné pour sa part le ministre italien.

M. Di Maio est ensuite attendu en Turquie, puis au Caire, où le ministre égyptien des Affaires étrangères Sameh Choukry a aussi invité ses homologues français, grec et chypriote, pour une réunion mercredi sur la crise libyenne.

MM. Maas, Le Drian et Raab se sont entretenus à Bruxelles de l’autre dossier chaud du moment : les conséquences de l’assassinat vendredi du général iranien Qassem Soleimani, dans un raid américain à Bagdad.

Le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne sont cosignataires de l’accord de 2015 sur le nucléaire iranien, dont le président américain Donald Trump a décidé de se retirer en 2018 en réactivant un régime de sanctions, point de départ de la nouvelle crise entre Washington et Téhéran.

Retrait « temporaire »

Et désormais cet accord ne tient plus qu’à un fil, au grand dam des Européens.

Dès dimanche, Téhéran avait annoncé la levée de toute limite à son équipement en centrifugeuses, utilisées pour la production de combustible nucléaire.

Selon M. Le Drian, les Européens pourraient décider « dans les jours qui viennent » de déclencher un mécanisme prévu dans l’accord, susceptible de mener au rétablissement de sanctions de l’ONU contre l’Iran.

« Nous continuons de penser que c’est un accord important qui va empêcher l’Iran de se doter d’une bombe nucléaire », a affirmé Heiko Maas.  

Un diplomate européen a indiqué à l’AFP que les trois ministres réunis à Bruxelles partageaient la volonté « d’une approche étroitement coordonnée […] afin de contribuer à une désescalade ».

Une réunion extraordinaire des ministres des Affaires étrangères de l’Union a été convoquée pour vendredi.

Cette activité diplomatique se tient au lendemain d’un cafouillage sur un possible retrait des troupes américaines d’Irak. Les États-Unis ont dû démentir un tel retrait, d’abord annoncé dans une lettre transmise par erreur lundi.

Dimanche le Parlement irakien a exhorté par un vote le gouvernement à expulser les troupes étrangères d’Irak en réaction à la mort du général Soleimani.

Après cet assassinat par une frappe de drone américain, Téhéran a promis la vengeance. Et le Parlement iranien a adopté en urgence une loi classant toutes les forces armées américaines comme « terroristes ».

De son côté, l’OTAN a annoncé mardi le retrait temporaire d’une partie de son personnel d’Irak, après avoir déjà suspendu sa mission de formation des forces irakiennes, conséquence des tensions entre Washington et Téhéran.

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