
Des voix se sont élevées au cours de la période écoulée, aussi bien à l’échelle nationale qu’internationale, pour appeler à l’organisation d’élections présidentielle et législatives en Libye, au lieu d’engager une 5ème phase transitoire, d’une durée de 18 mois, pouvant être prolongée, à l’instar des trois phases précédentes, de nature à proroger la crise sans pour autant la résoudre.
L’actuel président du Conseil présidentiel, Fayez al-Sarraj, avait réclamé la tenue d’élections présidentielle et législatives, au mois de mars 2021.
Cependant, dans le dernier discours qu’il a prononcé, et durant lequel il avait annoncé son intention de remettre le pouvoir exécutif, d’ici la fin du mois d’octobre courant, il s’est montré contraint d’accepter la proposition du président de la Chambre des députés de Tobrouk, Aguila Salah, de choisir un nouveau Conseil présidentiel, composé de trois membres, au lieu des neuf actuels, et d’un Chef du gouvernement, qui serait séparé du Conseil en question, pour mener le pays au cours vers une quatrième phase transitoire.
Se diriger vers l’organisation d’élections était également une demande de Khaled Méchri, président du Haut Conseil d’Etat (une structure législative consultative).
Néanmoins, Méchri a mis l’accent sur l’organisation d’un référendum sur le nouveau texte de la Constitution, afin d’empêcher le prochain président de tailler le texte de loi fondamentale à sa guise.
Cependant, l’appel de Méchri n’a pas eu un écho favorable auprès de l’autre partie (est du pays), raison pour laquelle il s’est engagé dans des pourparlers avec la Chambre des députés de Tobrouk sur plusieurs processus, qui pourraient aboutir au choix d’un nouveau Conseil présidentiel, au début du mois de novembre prochain, ce qui signifie concrètement l’entrée dans une quatrième phase transitoire.
Depuis la chute du Régime de Mouammar Kadhafi, en date du 20 octobre 2011, la Libye a traversé trois phases transitoires :
- La première phase transitoire : 2011-2012 :
Cette phrase a débuté par la promulgation, par le Conseil National Transitoire de la Déclaration constitutionnelle provisoire, en date du 10 août 2011 et de la chute de la capitale Tripoli aux mains des rebelles, le 27 du même mois, et s’est achevée par l’élection le 7 juillet 2012 du Congrès National Général (CNG), une sorte d’Assemblée constituante.
- La deuxième phase transitoire (2012 – 2014) :
Cette phase a commencé par l’élection du CNG, pour un mandat d’une année seulement, avec pour mission principale l’élaboration d’un projet de constitution permanente pour le pays, ce qui n’a pas été fait, à la suite de quoi le Conseil a prorogé son mandat d’une année sans succès, en dépit de l’élection d’un Comité de soixante membres pour réaliser cette tâche, mais en vain également.
- La troisième phase transitoire (2014 – 2015)
A la suite de pressions populaires, des élections législatives ont eu lieu le 25 juin 2014 pour l’élection d’une Chambre des députés, pour un mandat d’une année non renouvelable.
Cela a été concomitant avec le lancement par le général putschiste, Khalifa Haftar, de l’opération de la « Dignité », en date du 15 mai de la même année, ce qui a généré une scission des institutions du pays et la dissolution par la Cour suprême du nouveau Parlement, décision qui n’a pas été reconnue par l’institution législative.
- La quatrième phase (2015-2020)
En raison de la crise de la légalité, de la division des institutions du pays ainsi que de la fin du mandat de la Chambre des députés, fixé constitutionnellement à une année, et compte tenu de la décision émise par la Cour suprême, portant dissolution de cette assemblée, un accord a été conclu, le 17 décembre 2015, dans la ville marocaine de Skhirat.
L’Accord prévoit la prorogation du mandat de la Chambre des députés, d’une année, la création du Haut Conseil d’Etat qui regroupe la majorité des députés du CNG ainsi que la mise sur pied d’un Conseil présidentiel composé de neuf membres pour diriger le gouvernement de l’Entente.
Cependant, Khalifa Haftar et Aguila Salah ont entravé le processus de l’approbation par le Parlement du gouvernement de l’Entente et ont fait échouer l’adoption du draft de la Constitution, entériné par le groupe des Soixante. De plus, Haftar a lancé une attaque, qui rappelons-le a échoué, sur la capitale Tripoli (2019-2020).
- Le président algérien appelle à la tenue d’élections et à éviter les solutions partielles
Au moment où les observateurs estimaient que la situation en Libye se dirigeait vers une cinquième phase transitoire, d’une durée d’au moins une année et demie, le président algérien Abdelmajid Tebboune, a surpris tout le monde en mettant l’accent sur le fait qu’il n’y a pas de solution à la crise libyenne en dehors de la tenue d’élections qui feraient émerger de nouvelles institutions.
Tebboune a considéré que les pourparlers et dialogues qui se tiennent dans plus d’un pays n’offrent que des solutions partielles, neuf ans après l’effondrement des institutions de l’état.
Le président algérien a assimilé la Libye à un corps, entièrement gangréné par le cancer, mais qui ne lui sont administrés que des calmants.
Tebboune a laissé entendre que l’appel lancé par l’Algérie pour le rétablissement de la légalité populaire a commencé à recueillir l’appui de grands Etats, sans les nommer, mettant l’accent sur la nécessité de hâter la tenue d’élections dans les plus brefs délais.
Le président algérien tente de transposer l’expérience de son pays et du chemin emprunté pour une sortie rapide de la crise, par la tenue d’élections, sur la réalité libyenne, qui depuis neuf ans, n’achève une phase transitoire que pour n’engager une autre.
- Washington appuie l’élaboration d’une feuille de route pour les élections
En plus de l’Algérie, les Etats-Unis d’Amérique appuient la mise en place d’une feuille de route qui aboutirait à des élections, mettant fin ainsi aux différentes phases transitoires.
Cette position a été affichée par l’ambassadeur américain à Tripoli, Richard Norland, au cours de sa réunion avec la Représentante spéciale par intérim du Secrétaire général des Nations unies pour la Libye, Stéphanie Williams, après avoir appelé à peaufiner une feuille de route pour des élections nationales.
Dans une interview accordée au journal égyptien « Al-Akhbar », publiée le 7 octobre, le diplomate américain a indiqué que la reprise du Forum du Dialogue politique libyen vise à tracer les contours d’un processus politique pour la tenue d’élections nationales.
Il est attendu que les délégations du Haut Conseil d’Etat, des députés de Tobrouk et des députés de Tripoli, se réunissent en Tunisie, sous des auspices onusiens, au début du mois de novembre prochain, pour élaborer une vision pour une solution inclusive de la crise.
Le point de vue américain a comme point de départ la nécessité d’élaborer une vision claire qui aboutit à des élections. Cependant, Washington ne s’oppose pas à une nouvelle phase transitoire si cela aboutirait à des élections, sans évoquer un calendrier préétabli.
** Un accord libyen pour mettre fin à la phase transitoire
Les deux délégations du Haut Conseil d’Etat et de la Chambre des députés de Tobrouk ont convenu, soudainement, à l’issue de leur réunion mardi au Caire, de la nécessité de mettre fin à la phase transitoire et d’engager les arrangements de la phase durable.
Bien que les deux parties n’aient pas encore convenu quant à la formule sous laquelle sera soumis le draft de la Constitution au référendum populaire, il n’en demeure pas moins que l’accord sur la fin de la phase transitoire constitue un nouveau tournant dans le dossier de la résolution de la crise libyenne.
Cependant, plusieurs parties populaires ont accusé le Haut Conseil d’Etat et les députés de Tobrouk de s’employer à prolonger la durée de la phase transitoire afin de garder leurs postes le plus souvent possible, ce qui a été démenti par les deux parties, mais cela a constitué une pression supplémentaire sur elles afin de mettre fin à cette phase et à se diriger rapidement vers des élections.
Abderrahmèn Chater, membre du Haut Conseil d’Etat, a écrit dans un tweet : « La Mission onusienne en Libye œuvre pour une nouvelle phase transitoire de deux ans voire plus, afin d’améliorer les services et d’organiser des élections. Il est logique de maintenir l’actuel Conseil présidentiel pour une durée de six mois avant d’organiser des élections au lieu et place d’installer un nouveau Conseil présidentiel qui nous ferait engager dans de nouveaux conflits ».
** La Constitution : Le principal obstacle juridique à la fin des phases transitoires
Le plus grand obstacle qui se dresse à la soumission au referendum populaire du draft de la Constitution, un prélude à des élections présidentielle et législatives, et mettre ainsi fin aux phases transitoires, figurent les contradictions entre certains de ses articles.
En cas d’accord sur les problèmes juridiques relatifs au draft de la Constitution, il sera possible, à ce moment-là, de parler de l’élaboration d’une feuille de route qui débutera par un référendum avant de passer aux élections législatives et présidentielle.
Avant cela, il est essentiel de résoudre la problématique sécuritaire et militaire que constituent les milices de Haftar et les mercenaires étrangers, par le biais des discussions du Comité militaire « 5+5 » devant se tenir le 19 octobre dans la ville suisse de Genève.
En effet, Haftar s’oppose au dialogue conduit par Aguila et Méchri.
De plus, la Représentante onusienne par intérim a conditionné la participation de Haftar et d’al-Sarraj au dialogue par leur « renoncement à réclamer d’occuper des postes gouvernementaux supérieurs ».
Si Al-Sarraj s’est dit disposé à renoncer au pouvoir exécutif et à ne même pas prendre part au dialogue, Haftar ne semble pas partager la même conception.
Mona Saanouni *Traduit de l’arabe par Hatem Kattou

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