Tunisie : les journalistes protestent contre les violations et la politique d’impunité

Le président du SNJT, Mohamed Yassine Jelassi, affirme que « la tentative de la mainmise sur les médias et la manipulation du secteur existaient avant le 25 juillet et durent encore après les mesures exceptionnelles ».

La presse tunisienne a dégringolé de 21 places au classement mondial de la liberté de la presse, en occupant désormais la 94ème position, alors qu’elle était au 73ème rangs l’année précédente, où elle avait connu son premier recul depuis la révolution de 2011.

Respect du principe du de la liberté de la presse, des médias et du droit à l’action syndicale, ont réclamé les journalistes tunisiens, rassemblés, le 5 mai courant, devant le siège du syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT).

Déterminés à faire face à la tentative de la mainmise sur le secteur, les journalistes ont organisé une marche pacifique du siège du SNJT jusqu’à l’Avenue Habib Bourguiba, en signe de protestation contre la pratique de la politique d’impunité.

Sous le slogan « la liberté de la presse en Tunisie fait face à un danger imminent », la marche a rassemblé de dizaines de journalistes devant le théâtre Municipal de Tunis, qui ont brandi des pancartes sur lesquelles on pouvait lire « Notre liberté dépend de la liberté de la presse », « La presse libre garantit le droit au citoyen » ou encore « Les journalistes… Plumes de la liberté… Anges gardiens de la démocratie ».

Dans une déclaration accordée à l’Agence Anadolu à cette occasion, le président du SNJT, Mohamed Yassine Jelassi, affirme que « la tentative de la mainmise sur les médias et la manipulation du secteur existaient avant le 25 juillet et durent encore après les mesures exceptionnelles. Nous en sommes conscients et nous avons même prévenu que les décisions exceptionnelles et la concentration des pouvoirs entre les mains du chef de l’Etat conduiront directement vers le monopole du pouvoir et vers des pratiques autoritaires et répressives. »

Le syndicaliste précise que « la Tunisie a enregistré le taux le plus élevé en terme de violations et d’agressions contre les journalistes, le taux le plus élevé en ce qui concerne la restriction du droit d’accès à l’information, ainsi que celui des arrestations et des réquisitions du matériel des journalistes sur terrain, en les inculpant au titre de la loi antiterroriste au lieu d’appliquer le Décret 115 ».

« Les journalistes tunisiens expriment leur colère en participant aujourd’hui à cette marche pacifique, adressant notre message en tant que profession, secteur et journalistes, que l’atteinte aux libertés est indiscutable », souligne Jelassi avant de poursuivre avec détermination : « Nous allons défendre encore et toujours le droit de la liberté de la presse et d’expression, le droit d’accès à l’information, nos libertés ainsi que le droit des citoyens à une presse libre et indépendante ».

S’agissant de l’impunité, le président du Syndicat National des Journalistes Tunisiens signale : « J’ai demandé au président de la République d’exprimer une position claire concernant la politique de l’impunité, des violations commises contre les journalistes, au lieu de se contenter de slogans. La République tunisienne encourage officiellement la politique d’impunité en assurant l’immunité à ceux qui agressent les journalistes ».

« La justice aussi. Elle inculpe les journalistes au titre de la loi antiterroriste au lieu d’appliquer le Décret 115, parce que cette pratique est soutenue politiquement et profite également du soutien du pouvoir, la répression continue, les arrestations continuent en offrant une atmosphère d’impunité, une atmosphère l’insécurité des journalistes ».

Sur les lieux, précisément, un journaliste de la télévision tunisienne a été violemment agressé lors de sa couverture de la manifestation des opposants au chef de l’Etat. Jusqu’à l’heure, aucune enquête d’a été menée en ce sens, tandis que la justice se précipite à poursuivre les auteurs d’une publication ou d’une position publiée sur les réseaux sociaux. »

« Notre rôle intervient, avec la société civile, les journalistes et tous nos militants à rappeler que la liberté de la presse ne se limite pas à la liberté des journalistes, mais concerne tous les citoyens, tout comme le droit d’accès à l’information, il faut défendre ses droits et ses libertés, et il faut mettre fin à la politique d’impunité vis à vis aux violations contre les journalistes, mais aussi aux crimes, à la torture ainsi qu’aux délits d’injure et de disparition forcée ».

Dans son rapport annuel, publié à l’occasion de la Journée Mondiale de la Liberté de la Presse, célébrée le 3 mai, le Syndicat National des Journalistes Tunisiens tient le pouvoir, dirigé par le président de la République, Kaïs Saied, pour responsable du recul de la Tunisie au classement mondial.

Le SNJT met en garde contre la négligence dans le traitement des questions urgentes du secteur, notamment la publication de l’accord-convention, conclu avec le gouvernement au Journal officiel de la République tunisienne (JORT) et d’autres dossiers liés au secteur de la presse, lit-on dans le même rapport.

Hend Abdessamad