
« Moi Robert Gabriel Mugabe (…) remets formellement ma démission de Président de la République du Zimbabwe avec effet immédiat », a déclaré le 21 novembre 2017, le Président de l’Assemblée nationale du Zimbabwe, Jacob Mudenda, en lisant, sous les applaudissements, la lettre de démission du chef de l’État, Robert Mugabe.
« J’ai choisi volontairement de démissionner. (…) Cette décision a été motivée par (…) mon désir d’assurer un transfert du pouvoir sans problème, pacifique et non violent », avait encore expliqué Mugabe dans sa lettre de démission lue à l’Assemblée nationale lors d’une session extraordinaire du Parlement à Harare, qui débattait de sa destitution.
L’annonce de sa démission avait été immédiatement saluée par un concert assourdissant d’avertisseurs dans la capitale Harare. Des centaines de personnes étaient descendues alors dans les rues pour crier leur joie sous les sifflets et les klaxons. Toute la ville d’Harare avait résonné de clameurs de joie.
Une semaine avant l’annonce de cette démission, Mugabe avait révoqué son vice-président Emmerson Mnangagwa provoquant un coup de force de l’armée. L’armée du Zimbabwe avait, en effet, pris le contrôle du pays dans la nuit du 14 au 15 novembre. Des troupes contrôlaient les voies d’accès aux principaux ministères, au Parlement et aux tribunaux.
L’armée avait mis Robert Mugabe en résidence surveillée. Ce dernier avait alors engagé un bras de fer avec les forces de défense qui va durer sept jours.
Des négociations avaient été mis en place entre Robert Mugabe qui refusait catégoriquement de quitter le pouvoir et les militaires qui souhaitaient se débarrasser du héros de l’indépendance en douceur, ou plutôt « dans la dignité » comme ils aimaient à le dire.
Mugabe qui avait perdu presque tous ses soutiens, avait finalement accepté de démissionner et son ancien vice-président Emmerson Mnangagwa avait été nommé Président par intérim du Zimbabwe.
– Réactions dans le monde entier
La démission de Mugabe avait suscité des réactions dans le monde entier. « La démission de Robert Mugabe offre au Zimbabwe l’opportunité de se forger une nouvelle voie libre de l’oppression qui a caractérisé son pouvoir », avait estimé la Première ministre britannique, Theresa May, dans un communiqué, à propos de cette ancienne colonie britannique.
Boris Johnson avait qualifié cette démission de « moment d’espoir pour le pays et le peuple zimbabwéen », et souhaité qu’elle soit « un tournant vers des élections libres, justes et démocratiques l’an prochain ».
Le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, s’était félicité par la voix de son porte-parole, Ebba Kalondo, de la décision prise par Robert Mugabe, qu’il avait qualifiée d’« acte de courage politique ».
« Malgré son départ de la présidence par un coup de force de l’armée, Robert Mugabe a sa place dans les annales de l’histoire zimbabwéenne et africaine pour son combat pour la libération de l’Afrique et pour sa défense courageuse du continent », a souligné à l’Agence Anadolu Luc Sindjoun, universitaire et politologue camerounais.
« En tant que leader, la seule chose qu’il a fait de mal était de rester au pouvoir pendant trop longtemps », a ajouté le politologue.
Évincé de la présidence le 21 novembre 2017 après 37 ans au pouvoir, Mugabe est décédé le 6 septembre 2019.
Mugabe a été enterré dans son village rural de Kutama, à une centaine de km à l’ouest de la capitale, après des jours de bras de fer entre sa famille et le gouvernement sur sa dernière demeure.
« Il avait nourri jusqu’à son dernier souffle une rancune tenace à l’égard des nouvelles autorités et avait refusé d’être enterré au Panthéon des Héros nationaux, réservé aux héros de la lutte de libération nationale », a expliqué à l’Agence Anadolu, le journaliste zimbabwéen Hopewell Chino’ono.
A l’annonce de son décès, son successeur, Emmerson Mnangagwa, avait exprimé sa « plus grande tristesse », qualifiant Mugabe d’« icône de la libération ».
– Une main de fer
Robert Mugabe, héros de la guerre d’indépendance, avait dirigé son pays d’une main de fer. Ses premières années au pouvoir ont été saluées en raison de son programme d’accès à la santé et à l’éducation pour la majorité des Zimbabwéens défavorisés par le régime blanc de Rhodésie (ancienne colonie britannique).
Cependant, ses dernières années avaient été marquées par des violations des droits de l’homme, des abus et la corruption.
« Chômage de masse et inflation importante ont marqué les deux dernières décennies du mandat de Robert Mugabe. Aujourd’hui encore, les Zimbabwéens font face au chômage, aux pénuries d’électricité et à un manque de liquidités », explique à AA Mathias Eric Owona Nguini, politologue camerounais.
Il avait remporté la première élection du Zimbabwe après l’indépendance du pays vis-à-vis du Royaume-Uni, devenant Premier ministre en 1980. Il avait aboli le poste en 1987, devenant Président et le restant jusqu’à sa démission en 2017.
Né le 21 février 1924 à 80 kilomètres de Harare, alors appelée Salisbury et capitale de la Rhodésie du Sud, colonie de la couronne britannique, Robert Gabriel Mugabe est élevé par sa mère dans une mission catholique, le père ayant déserté le foyer quand le futur leader n’avait que 10 ans.
Le jeune homme est brillant et fréquente les meilleures universités d’Afrique australe. Il s’imprègne très vite des idéaux panafricains de l’époque tout autant que des revendications d’émancipation des populations noires, dans une région dominée et gangrenée par la ségrégation raciale.
Après ses études, il part enseigner au Ghana, en Afrique de l’Ouest, le premier pays du continent à avoir concrétisé le rêve de l’indépendance, dès 1957. Il y rencontre Sally, sa première femme.
Mais en 1960, il regagne son pays natal et s’engage en politique, créant trois ans plus tard, son propre parti, la Zanu (Union nationale africaine du Zimbabwe). Ouvertement très critique à l’égard du régime blanc de Ian Smith, il est jeté en prison en 1964.
Pendant ses onze longues années de détention, Mugabe, déjà quadragénaire, prouve sa détermination : il étudie à distance, obtient de nombreux diplômes, dont un master en droit de l’université de Londres. « Ce qui fera de lui l’un des présidents les plus diplômés du continent, et peut-être même du monde », avait écrit le jour de sa mort l’hebdomadaire sud-africain Mail and Guardian, qui évoquait le destin paradoxal de cet homme.
Il fut «dès le départ une énigme», avait noté encore le journal. Et d’ajouter : « Un enchevêtrement de contradictions, qui l’ont alimenté plutôt que de l’abattre ».
En 1973, alors qu’il était encore en prison, il avait été choisi comme président de l’Union nationale africaine du Zimbabwe (Zanu), dont il était membre fondateur.
Une fois libéré de la prison, il s’est rendu au Mozambique, d’où il a dirigé des raids de guérilla en Rhodésie.
Des accords politiques visant à mettre fin à la crise ont abouti à l’indépendance de la nouvelle République du Zimbabwe.
– Victoire écrasante
Grâce à sa grande visibilité dans le mouvement indépendantiste, Mugabe a remporté une victoire écrasante lors de la première élection dans le pays.
Mais au cours de ses décennies au pouvoir, de nombreuses critiques ont commencé à pleuvoir, décrivant Mugabe comme une sorte de « dictateur ».
En 2000, confronté pour la première fois à une vive opposition politique, il s’est emparé de fermes appartenant à des Blancs pour réinstaller des fermiers noirs, provoquant des perturbations économiques mais renforçant sa popularité parmi ses partisans.
En 2002 comme en 2008, les élections n’ont que l’apparence d’un scrutin démocratique, entachées par les fraudes et la répression des opposants. La communauté internationale impose des sanctions : le pays est exclu du Commonwealth.
Mugabe réplique en se posant en chantre de l’anti-impérialisme et en dénonçant les diktats de l’Occident.
Cette fois, ce sont les Zimbabwéens noirs qui commencent à fuir le pays en masse. L’hyperinflation explose, conduisant à mettre en circulation des billets de 100 milliards de dollars zimbabwéens alors que les magasins sont vides.
Pour la première fois, la population a faim dans ce pays, autrefois qualifié de «grenier de l’Afrique australe».
Sous la pression internationale, un gouvernement d’union nationale est imposé en 2009 avec le leader du MDC, Morgan Tsvangirai, comme Premier ministre.
Mais en 2017, alors qu’on craignait qu’il ne prépare sa femme Grace à lui succéder, l’armée – son alliée de longue date – s’est retournée contre le Président et l’a forcé à démissionner.
En novembre, une révolution de palais, fomentée par l’armée et le vice-président du pays, Emmerson Mnangagwa, impose sa destitution. Les Zimbabwéens descendent en masse dans la rue pour célébrer le départ de l’ancien libérateur devenu dictateur. Ils vont, hélas, vite déchanter.
– Héritage mitigé
Pendant son règne de 37 ans à la tête du Zimbabwe, l’un des plus longs sur le continent africain après Obiang Nguema de la Guinée Equatoriale ( 42 ans de règne) et Paul Biya du Cameroun (39 ans au pouvoir), il est passé du statut de père de l’indépendance et ami de l’Occident à celui de tyran ayant provoqué l’effondrement économique de son pays.
« C’était un homme de principe, c’était un homme bien, cependant tout le monde n’était pas d’accord avec lui », a témoigné dans une déclaration à AA, Maboyi Ruth Mavhungu, politicienne zimbabwéenne et députée du parti la Zanu-PF (parti au pouvoir).
Austin Chakaodza, analyste zimbabwéen, explique, pour sa part à Anadolu que « Robert Mugabe laisse un héritage mitigé, car il fut le libérateur de ce pays puis son destructeur. Il a mis en place des politiques qui ont fait du Zimbabwe la risée du monde ».
Héros de la décolonisation pour les uns, autocrate ayant ravagé son pays après trente-sept ans de règne sans partage pour les autres, l’ex-Président du Zimbabwe, Robert Mugabe reste un personnage complexe et clivant.
Au cours de sa longue existence, successivement adulé, craint puis détesté, Mugabe « aura montré plusieurs visages parfois simultanément », a noté à AA le politologue camerounais Achille Mbembe.
Lors de son 88e anniversaire, Mugabe lui-même déclarait : « Je suis mort plusieurs fois, et c’est pour ça que je suis plus fort que Jésus. Lui n’est mort qu’une seule fois et n’a ressuscité qu’une seule fois ». Sept ans plus tard, le libérateur devenu despote mourra… à jamais.
Fatma Bendhaou / Peter Kum

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